« Une œuvre récente de Cynthia Montier documente remarquablement l’ambiguïté qui tend le rapport des femmes au travail et à l’espace. Embedded dans une résidence d’artiste dans un hôtel de Chicoutimi, au nord du Québec, la jeune artiste a subverti son projet en tournant son attention vers les « préposées au confort », les femmes de chambre, souvent d’origine inuit, munissant l’une d’entre elles, Doris Tremblay, d’une caméra frontale GoPro. Son installation Mise en pli (2019), dépliée sur trois écrans, effectue un montage à vitesse réelle du film, d’une durée originelle de 30 minutes exactement – soit le temps imparti pour « faire » une chambre. La vitesse d’exécution des tâches et la précision des gestes sont impressionnantes, rendus parfois étourdissantes par les mouvements de la caméra, suivant ceux de la tête. La lecture qu’en fait le spectateur est équivoque : la dextérité et le savoir-faire, la minutie et la force physique de la « préposée au confort » sont manifestement valorisés ; mais on ne peut manquer d’y voir aussi un degré extrême d’aliénation, de contrainte exercée sur le corps dans le temps et l’espace, stade ultime du taylorisme domestique. »
Laurent Perez, « Grande Révolution domestique – Guise ». 11 mars 2019, Artpress